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1 août 2012 3 01 /08 /août /2012 16:02

Avec ce récit concernant le comportement de Pierre au moment où, arrêté au jardin de Gethsemané, Jésus va comparaître devant les plus hautes sommités religieuses (le Sanhédrin), nous voilà mis devant la réalité de notre parcours de vie, de notre parcours de foi. Et apparaît avec force une difficulté toujours bien réelle : la difficulté à prendre la mesure de la signification profonde de la mort honteuse de l’innocent sur la Croix, et de sa résurrection.


On peut avancer que nos vies ne se jugent pas sur un moment particulier de nos vies, sur ce qu’on appellerait aujourd’hui un « Arrêt sur image ».

Toute notre existence est ce long cheminement jamais achevé de la réception pour nous, au plus profond de nos existences, de ce que la Croix et la Résurrection ouvrent comme horizon si radicalement nouveau.

 

Laissons un instant le récit biblique , et allons plus avant dans le temps, pour prendre la mesure de cette affirmation en commentant deux faits de l’histoire de l’Eglise.

 

            Entre 217 et 222 de notre ère : l’évêque de Rome, Callixte 1er, accorde le pardon de l’Eglise et le rétablissement dans leur ministère aux prêtres ayant abjuré leur foi pour sauver leur vie, puis qui se sont repentis.

C’est le temps des persécutions qui se succèdent à Rome contre les chrétiens. De nombreux membres des communautés subissent le martyr (dépouillement, perte des droits civiques, déportation ou mort en public voués à la honte collective). Parmi les personnes arrêtées, certains fuient et se cachent en attendant des jours meilleurs, d’autres encore abjurent, et parmi ceux qui abjurent, des prêtres.

            Pour certains chrétiens fidèles, cette abjuration est cause de scandale, c’est une infamie qui doit éloigner ces hommes à tout jamais : ils ont entaché la communauté et ils doivent porter leur condamnation.

Callixte, évêque de Rome, lui, les accueille, les réintègre. Ils ont trébuché ? Ils sont tombés, cause de scandale ? Leur repentance doit être reçue. Le rétablissement dans leur fonction sacerdotale est pour eux la possibilité de témoigner, en martyr s’il le faut. Car revenir vers l’Eglise, reprendre le chemin un instant abandonné, c’est prendre le risque d’une Parole qui engage, jusqu’à la mort.

Callixte se souvient-il du récit de la femme adultère dans Jean 8 ?

Ou se fonde – t – il sur les récits évangéliques du reniement de Pierre ?

 

            Callixte en tout cas connaît la tradition de l’Eglise. Selon cette tradition, Pierre est mort en martyr lors des persécutions de Néron (les documents pontificaux parlent même de la date du 29 juin 67). Selon cette tradition, Pierre, le renieur, comme Paul, l’ancien persécuteur, tombent dans la tourmente de la persécution. On raconte même que Pierre aurait demandé à être crucifié la tête en bas, revendiquant ainsi d’être inférieur en tout point à son Maître, Jésus le Crucifié - Ressuscité. Comme la tradition est toujours enrichie d’anecdotes, il y a même avant la crucifixion de Pierre, le récit de « Quo vadis, Domine ? », qu’un grand péplum américain a reprise. A quelques lieues des murailles de Rome, sur la Via Appia, vers le sud, on nous dit que Pierre fuyait la persécution, partait vers Capoue se réfugier, en attendant que l’orage passe.

Ayant fait quelques lieues, voilà qu’il croise le Seigneur qui marche à grand pas en sens inverse, se rendant vers Rome.

« Quo vadis, Domine » ? « Où vas-tu Seigneur ? ». « Eh bien, puisque tu t’en vas, je vais me livrer et mourir à ta place, parmi les autres martyrs ». Alors, nous dit-on, Pierre rebrousse chemin et s’en va accomplir son témoignage, jusqu’à la mort·.

 

Laissons de côté ces deux éclairages historiques : ils nous aident à percevoir l’importance de la Croix et du Tombeau Vide pour nos vies de croyants.

Quand Matthieu écrit son Evangile, on connaît la fin tragique de Pierre, et son témoignage non-violent dans la capitale de l’Empire Romain, se laissant condamner et supplicier comme d’autres témoins issus de cette Eglise dont il est l’évêque.

Celui qui écrit le récit du reniement de Pierre, comme celui qui le lit à l’époque, savent comment Pierre a témoigné, et avec quel courage. Ainsi si le texte évangélique ne dit rien de la fin de Pierre, celui qui écrit et lit savent de quelle courageuse manière Pierre a témoigné. Entre le reniement et le temps de la prédication de Pentecôte puis du martyr à Rome, que s’est-il passé ? La Croix et la rencontre avec le Ressuscité !

Mieux même, c’est à celui qui a renié trois fois que l’annonce du tombeau vide sera faite en premier, et c’est à lui en premier que le Ressuscité se manifestera.

 

« Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ».

Avant même que le mot n’existe, l’étiquette de CHRETIEN était apposée sur Pierre ! Ce n’est pas lui qui témoigne, ce sont des gens hostiles, menaçants, tout emplis de l’excitation et de la fureur de l’événement en train de se vivre, ce sont ces gens hostiles qui le mettent en situation de témoigner, presque malgré lui.

Et Pierre se dérobe : « Je ne sais pas ce que tu vaux dire ».

                                      « Je ne connais pas cet homme ».

    puis, se mettant à jurer, sous peine de malédiction « Je ne connais pas cet homme ».

            Facile de lui jeter la pierre : mais mettons-nous à sa place. Les héros ne courent pas les rues. Ne nous y trompons pas : si ce récit intervient dans les 4 récits évangéliques, c’est que nous les tenons de Pierre lui-même. Du début de la prédication chrétienne jusqu’à son emprisonnement et à sa mort, Pierre a du le raconter je ne sais combien de fois, ce récit.

 

            Imaginons un instant que nous écoutons un résumé de la prédication de Pierre : « J’étais un des tout premiers à m’être levé et à l’avoir suivi. J’ai mis toute mon énergie et toute ma fougue à l’écouter et le servir. Si souvent il m’a rabroué, me disant que je n’avais rien compris : il y a des moments où le Maître a été très dur et cassant à mon égard ; mais c’est vrai que j’étais si maladroit et « dur à la comprenette ». Pourtant ma flamme ne baissait pas et je faisais tout pour le protéger, même malgré lui. Il représentait tellement pour moi que quand ça a commencé à être tendu, qu’on sentait que ça pourrait mal se finir, j’étais prêt à me battre, à tout risquer pour lui. Je le lui ai dit : « Jusqu’à la mort, je te serai fidèle ». Et puis, tout s’est déroulé si vite ! Et je ne savais plus que faire ; sans lui j’étais perdu. Et je l’ai renié. « Malédiction soit sur moi ! ». Et pourtant, maintenant, je sais qu’il m’a pardonné ! Quand il est mort sur la Croix, moi, le témoin de toute sa prédication et de ses rencontres, je n’étais pas là. J’errais dans la peine d’avoir perdu mon ami, et dans la honte de l’avoir abandonné, laissé seul, et renié. Perdu pour toujours. Comment allais-je pouvoir reprendre contact avec les autres après ce que j’avais fait ? Et il m’a envoyé chercher pour qu’on m’annonce la Bonne Nouvelle du tombeau vide, et il m’est apparu, pour que je sois témoin qu’il ne fallait pas chercher parmi les morts celui qui est vivant ! »

 

            Nos parcours de vie ne sont peut-être pas aussi riches ni mouvementés que celui de Pierre. Mais nous voilà invités à ne pas nous tromper de témoignage. Nous avons vécu et vivons parfois l’enthousiasme de la foi : un enthousiasme qui aux plus forts moments ne veux douter de rien. Certains d’entre nous ont du chanter, à l’Ecole du Dimanche, et même après « Jusqu’à la mort, nous te serons fidèle, / Jusqu’à la mort, tu seras notre Roi… ». Nous apportons un soin plus ou moins scrupuleux à être de « bons chrétiens », de « bons et dignes amis du Galiléen ». Nous avons en mémoire les moments forts de nos engagements dans la vie chrétienne et dans la vie de foi.

            Mais nous savons qu’il est des moments où tout se précipite. Dans les moments déchirés de nos vies, nous perdons le chemin du temple parce que nous ne nous sentons plus dignes, parce que nous avons peur du regard des autres, parce que nous avons l’impression d’avoir commis un irréparable ! Ou alors, nous allons au temple mais nous nous sentons indignes de communier, et ne nous approchons pas de la Table du repas où le Seigneur nous invite.

            Parfois nous rencontrons des gens qui se sont éloignés de l’Eglise parce qu’ils ne la trouvent pas assez fidèle, ou parce qu’ils en veulent à l’Eglise d’avoir été injuste, ou de ne pas être sur la bonne voie, … Il y a tant de reproches à faire, à la plupart d’entre nous, un à un, comme à nous tous, quand nous somme Eglise ensemble.

            Au moment où le coq chante, c’est la fin de la nuit. Dans la nuit du monde, dans la nuit tâtonnante de nos vies, nous nous heurtons si souvent à nos contradictions, à nos malentendus et à nos incompréhensions, à nos peurs aussi. Au bout de la nuit, le coq chante et il nous semble que nous avons failli, que c’en est fini : nous voilà sous la condamnation. Et pourtant, il y a pire que la nuit du reniement : il y a le ciel obscur sur Golgotha, là où le Seigneur plonge au plus profond des détresses et vilenies humaines. Mais il y a le petit matin de Pâques, et sa lumière qui a chassé l’épaisseur de la nuit.

 

            Le message du reniement de Pierre, qui est celui de chacun d’entre nous à notre mesure, à notre manière, est pourtant simple : je mettrais toute la volonté et la fougue que je voudrais, je ne suis qu’un maladroit pouvant trébucher au premier obstacle. Sur les chemins où le Maître m’appelle à cheminer avec Lui et avec mes frères et soeurs en humanité, je ne suis qu’un témoin imparfait et non fiable.

            Et c’est pour moi que le Maître s’est donné. Par le don de lui-même il a porté mes lâchetés et mes abandons, mes reniements ou mes omissions. En ressuscitant, c’est à moi qu’il s’adresse, venant à ma rencontre : « tu peux tout recommencer, tu peux naître de nouveau : regarder ta vie passée, et repartir à zéro, avec Jésus pour Sauveur ».

            Le mystère de l’Eglise, ce n’est pas la fidélité de chacun de nous : c’est la fidélité toujours renouvelée de Dieu ! Pour que nous vivions de la vie qu’il nous offre.

 

 

                                                                                                          AMEN !

 

        



· On peut lire ce récit détaillée dans « La légende dorée » de Jacques de Voragine, éditée en 2 tomes chez Garnier-Flammarion.

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  • Jean-Christophe MULLER
  • observateur engagé dans le monde où je vis avec les autres......
ancien ADJOINT au MAIRE d'ALES (83-95)
ancien CONSEILLER REGIONAL du LANGUEDOC-ROUSSILLON (88-92)
PASTEUR de l'EGLISE REFORMEE de FRANCE (depuis 1999)
  • observateur engagé dans le monde où je vis avec les autres...... ancien ADJOINT au MAIRE d'ALES (83-95) ancien CONSEILLER REGIONAL du LANGUEDOC-ROUSSILLON (88-92) PASTEUR de l'EGLISE REFORMEE de FRANCE (depuis 1999)

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